Comment préserver, maintenir et renforcer la cohésion sociale ? Cette question taraude les sociétés contemporaines. Le plus souvent, on y répond en invoquant l'histoire, la mémoire ou l'identité. Rien n'y fera cependant, si nul progrès n'intervient sur le front de la justice sociale. En ce domaine, quelles sont donc nos attentes légitimes ? À l'âge de l'individualisme démocratique, la réponse paraît aller de soi : garantissons l'égalité des chances, proclame- t-on quasi unanimement. Le principe est séduisant. Mais se suffit-il à lui-même ?
Car, si la doctrine de l'égalité des chances s'impose comme figure souveraine de l'égalité et nous fait la promesse d'une justice sociale parfaitement ajustée aux exigences de l'individualisme moderne, nombreuses sont les injustices commises en son nom. De ce fait, on ne saurait se contenter de déplorer l'écart entre un principe et une réalité ; ni espérer s'en tirer à bon compte en faisant de cet idéal de justice le masque souriant d'une idéologie inique. Le principe d'égalité des chances doit être interrogé dans sa dimension proprement tragique : impossible, il est en même temps nécessaire. Comment assumer une telle contradiction ?